mercredi 27 janvier 2010

Rallye de Vence : savoir accepter une défaite... la dernière.

"On va simplement s'amuser !" me promet Thierry. Nos deux collègues mécanos sont encore au rendez-vous pour une assistance dans le froid. Au départ de la première spéciale, Thierry sourit. Et c'est une des rares fois où il se laisse aller à tant de démonstrations de gaieté. Mais dès les premiers 100 mètres, l'auto broute, elle ne prend pas les tours, elle "ratatouille", la méchante ! Pourtant, nous l'avions rodée sur 200 km sans découvrir aucun souci. Thierry s'arrête. "Qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?" je lui demande. Mais il n'y a rien à faire, il me le fait comprendre. Tous les concurrents nous doublent. Je regarde le chrono. Je ne veux pas prendre de pénalité... peu importe que nous soyons derniers ! Après un deuxième arrêt, la saucisse décide de repartir. Nous affichons un temps de 20 minutes pour monter le Col de Vence, un record parmi... les cyclistes !

Le rallye continue, l'auto déjauge. Dans la montée du Col de Castellaras, Thierry est à fond mais l'auto perd sa vitesse dans les balancements des virages. Mon pilote pompe sur la pédale et nous perdons des secondes précieuses. Malgré tous ces ennuis mécaniques, nous pourtant sommes dans le coup. Chardon, fier leader de la classe, ne nous met pas plus de 4 secondes par ES alors que notre auto est à 70% de son potentiel. Thierry enrage ! A l'assistance, notre équipe s'affaire ! On remplace la bobine d'allumage, change les bougies, vérifie le potentiomètre de papillon... et c'est reparti avec beaucoup d'espoir !

On pourrait croire que les lignes droites sont les plus sûres. Un freinage au bout d'une ligne de 300 mètres est plus incertain. Si j'étais pilote, je hurlerais sans doute avant même de planter les freins car je saurais qu'il est trop tard... et oui !!! Mais pour Thierry, ce n'est pas un problème. Il sait. Dans Bézaudin, les enfilades insignifiantes sur une portion extra large nous permettent de monter à un "petit" 130km/h avant d'entrer dans un Gauche 80. En une fraction de seconde, mon cœur pense à ma place : il va y avoir un sacré freinage ! Je baisse la tête sur le virage suivant. Au freinage, la 106 nous emmène vers le panneau planté à droite au bord du ravin. Thierry lance le volant à gauche, nous frôlons la falaise dans un demi-tour et il plante les freins. C'est que l'on appelle un joli tête-à-queue à grande vitesse. Thierry repart mais je ne comprends rien à ce qui a pu se passer. "Ça va... Allez, on repart" je lui dis calmement. Il ne rétorque pas. Que se passe-t-il dans sa tête ? Thierry repart "à balle" comme on dit. "100 mètres Gauche à fond sur Droite à Fond... calme-toi, hein ?" je lui lance dans un moment de doute et de solitude. Thierry relâche la cadence... mais j'ai juste besoin de comprendre. A l'arrivée, il me répond surpris : "Je ne t'ai pas demandé si tu allais bien... Si tu avais eu peur, tu n'aurais pas annoncé les notes". Pour lui, c'est mathématique.


Comprendre, se comprendre, c'est ce qui fait la force d'une équipe. Parfois, un mauvais réglage du répartiteur de freinage après une purge du liquide de freins peut vous surprendre. L'avouer, le dire, l'expliquer, et rassurer... c'est difficile pour certaines personnes. Un copilote est là pour soutenir ou ramener son pilote à la réalité. Mais le pilote doit aussi prendre soin de son coéquipier, pris en otage et totalement dévoué, puisqu'il s'est embarqué dans une aventure folle. Des secondes perdues, une place de dernier, le souvenir d'une copilote qui semble perdre confiance, c'était notre dernier rallye. Triste... Thierry l'était, comme un enfant rentré sagement à l'hôtel d'Antibes : c'était son dernier rallye. De mon côté, j'ai compris que la communication n'était pas seulement mon métier, mais qu'elle était aussi source de réussite et de complicité.

J'espère courir encore avec toi, Thierry, avec "fouditude" et péripéties, en étant complices, tous les deux unis contre tous les autres, et dans n'importe quelle machine à ronronner !

Merci à tous ceux qui nous ont soutenus tout au long de cette année 2009...

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